Un nouvel indice pour mesurer la menace des invasions biologiques sur la biodiversité et établir des priorités de conservation
08 novembre 2024Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace majeure pour la biodiversité, notamment en raison du déclin des populations indigènes qu’elles entrainent à travers le monde. Une équipe scientifique du laboratoire ESE pour Écologie Systématique Évolution (Université Paris-Saclay / CNRS / AgroParisTech) et du Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation (CESCO) du Muséum national d’Histoire naturelle, dont les travaux ont été publiés dans la revue Conservation Biology, vient de mettre au point un indice qui permet de mesurer ce degré de menace.
Les espèces exotiques envahissantes, une menace pour tous les écosystèmes
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) désignent certains animaux ou végétaux dont l’introduction par l’humain, volontaire ou fortuite, sur un territoire représente une menace pour les écosystèmes. Plus de 40 000 espèces exotiques se propagent sur la planète, dont 3 700 sont des espèces exotiques envahissantes mettant en danger la biodiversité. Selon l’IPBES, elles sont considérées comme une des principales causes d’extinction des espèces et l’une des grandes causes globales de perte de biodiversité. Bien que les preuves de leur impact sur le fonctionnement des écosystèmes s’accumulent, la plupart des approches existantes portaient jusqu’à présent essentiellement sur des aspects quantitatifs et sur le nombre d’espèces menacées négligeant leur rôle écologique. Dans le contexte actuel de la COP16 pour la biodiversité, identifier les principales espèces menacées par les invasions biologiques afin d’atteindre les objectifs du cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal 2030* est essentiel.
Grâce à leurs travaux, les scientifiques viennent combler cette lacune en développant un indice, le score FUSE INS (Functionally unique, specialized, and endangered by invasive non-native species). Les outils actuels de conservation nécessitent de faire un triage de la biodiversité et d’établir des priorités au sein des groupes taxonomiques. Ce score permet pour la première fois de combiner l’irremplaçabilité fonctionnelle (c’est-à-dire l’unicité et la spécialisation du rôle des espèces dans les écosystèmes) avec leur risque d’extinction causé par la présence des espèces exotiques envahissantes. L’étude a été menée sur 3 642 vertébrés terrestres exposés aux espèces exotiques envahissantes en évaluant la façon dont elles les impactaient. Cette étude a été basée sur la liste rouge de l’UICN et sur des bases de données mondiales contenant des informations sur la spécialisation et le caractère unique des vertébrés terrestres en termes de caractéristiques écologiques. Les résultats montrent que 38 % des espèces indigènes sont menacées d’extinction en raison des espèces exotiques envahissantes alors même que leur impact sur la biodiversité est primordial, ce qui en ferait des espèces prioritaires à protéger de cette menace à l’échelle mondiale.
*Target 6 qui consiste à réduire les introductions des espèces exotiques envahissantes par 50% et de minimiser leurs impacts d’ici à 2030
Quelles espèces sont les plus menacées ?
Les résultats montrent que 38 % des espèces indigènes sont menacées d’extinction en raison des espèces exotiques envahissantes alors même que leur impact sur la biodiversité est primordial, ce qui en ferait des espèces prioritaires à protéger de cette menace à l’échelle mondiale.
Les espèces prioritaires d’amphibiens se concentrent en Amérique centrale et à Madagascar et les lézards dans les îles des Caraïbes, le nord de l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la NouvelleCalédonie. Les espèces d’oiseaux et de mammifères prioritaires sont plus largement distribuées à travers le monde (les oiseaux, principalement dans les zones côtières, sur les îles du Pacifique et dans le nord de l’Inde et de la Nouvelle-Zélande ; les mammifères, dans le sud-ouest de l’Europe, en Afrique centrale, orientale et méridionale, en Asie du Sud-Est et dans l’est de l’Australie). Pour les 50 espèces d’oiseaux les plus prioritaires, 64 % nécessitent encore aujourd’hui des mesures de conservation pour atténuer la menace représentée par les espèces exotiques envahissantes.
Le score FUSE INS peut être utilisé pour aider à établir des listes de priorités de conservation à différentes échelles pour les espèces menacées par les EEE alors qu’elles figurent parmi les plus essentielles en matière de biodiversité. L’intégration de la diversité fonctionnelle dans l’établissement des priorités de conservation des espèces et des zones associées est essentielle pour réduire et atténuer avec précision les impacts des espèces extrêmes envahissantes sur la biodiversité.